Le Haut comité a tenu sa 72e réunion plénière le jeudi 20 mars 2025 consacrée, en grande partie, au sujet du "cycle du combustible"

Le 20 mars 2025, les membres du Haut comité pour la transparence et la sécurité nucléaire (HCTISN) se sont réunis pour la 72e réunion plénière afin d’échanger sur des points d’actualité et, plus principalement, sur le sujet du « cycle du combustible »

Les points d’actualité

Le matin, les membres ont échangé autour de divers points d’actualité.

Le secrétariat du HCTISN a présenté l’arrêté de nomination des nouveaux membres du Haut comité paru le 19 mars 2025 au Journal officiel (Arrêté du 11 mars 2025 portant nomination de membres du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire - Légifrance) et a fait un point d’avancement sur les travaux des groupes de travail du Haut comité, en particulier le groupe de suivi des concertations Cigéo et les comités chargés de l’organisation de la concertation sur la phase générique du 4e réexamen périodique des réacteurs de 1300 MWe.

Le déplacement d’une délégation HCTISN à La Hague les 12 et 13 mars 2025 a également été présenté. Ce déplacement a été l’occasion de rencontrer le collectif Piscine Nucléaire Stop et de visiter le site d’Orano La Hague (notamment l’usine UP3 et son atelier de déchargement des combustibles usés, la piscine d’entreposage de combustibles usés et l’atelier de vitrification). La délégation s’est également rendue à l’entreprise Orano Témis située à Valognes pour visiter la ligne de densification (fabrication de paniers pour les piscines d’entreposage de combustibles usés). A travers ces visites et ces rencontres, ce déplacement a été l’occasion de préparer la réunion plénière du 20 mars 2025 consacrée au "cycle du combustible". Informations disponibles ici : http://www.hctisn.fr/deplacement-a-la-hague-d-une-delegation-du-haut-a384.html

Audrey Lebeau-Livé de l’ASNR a ensuite présenté les résultats l’enquête de satisfaction sur l’organisation des plénières menée auprès des membres du Haut comité suite à la dernière plénière de décembre 2024. Les résultats montrent que les répondants estiment que les réunions plénières répondent à leurs attentes à 75%, que les réunions et les échanges sont intéressants à 92%, que leur durée est satisfaisante à 79%. Ils donnent la note moyenne de 7,37 sur 10 à l’organisation des réunions. Tenant compte de ces résultats, le bureau a émis certaines propositions présentées lors de la plénières à savoir : disposer des présentations en amont et les envoyer aux membres, ne pas surcharger les ordres du jour et faire respecter les temps de présentation, avoir un rythme de 4 réunions par an avec la possibilité d’ajouter des réunions plénières de 1/2j en visio selon besoins, les verbatims doivent être disponibles plus rapidement, continuer à organiser des webinaires thématiques d’1/2 journée ouverts au public, veiller à la pluralité des intervenants : + de présentations des ONG, syndicats, Anccli/CLI, parlementaires pour élargir les points de vue et ouvrir les débats. La présentation est disponible ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/resultats_du_questionnaire_de_satisfaction_hctisn-all-200325.pdf

Géraldine Pina de l’ASNR a par ailleurs proposé un sujet concernant la feuille de route pour l’ouverture à la société de l’ASNR sur laquelle l’ASNR souhaiterait consulter le HCTISN via éventuellement la création d’un groupe de travail au sein du HCTISN. La Présidente propose, à ce sujet, de convier un bureau extraordinaire du HCTISN dans les prochaines semaines afin d’en discuter.

Session consacrée au « cycle du combustible »

Introduction

Christine Noiville, présidente du HCTISN a ensuite introduit la session consacrée au « cycle du combustible ». Elle a notamment rappelé que les orientations politiques ont beaucoup changé depuis la dernière plénière qui avait été consacrée à ce sujet (Programmation pluriannuelle de l’énergie en consultation et pas encore adoptée, le récent Conseil de politique nucléaire et le déplacement à la Hague de Bruno Le Maire en 2023 ont confirmé le scénario de prolongation des réacteurs et la stratégie de gestion des déchets (continuer le retraitement, création de nouvelles piscines à la Hague, etc.). Elle a ensuite présenté le déroulé des présentations à venir et a précisé que le produit de sortie serait notamment la mise à jour de la note d’information du HCTISN rédigée suite à la plénière de 2022 et réactualisée en 2023. Elle mentionne également qu’un échange entre elle, le secrétariat du HCTISN et la présidente du débat public du PNGMDR (Julie Dumont) est prévu fin mars 2025.

Présentation de la DGEC

Guillaume Bouyt, sous-directeur à l’énergie nucléaire à la DGEC a ensuite présenté l’état des lieux des flux et inventaires du « cycle du combustible » français en 2022-2023. La présentation est disponible ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/2025-03-19_hctisn_substancesradioactives_dgec.pdf L’état des lieux porte sur les années 2022 et 2023 (données au 31 décembre), en cohérence avec les cycles de dialogue entre les exploitants et l’Andra (inventaire reposant sur l’année N-2) et a été fait dans la continuité des exercices précédents, qui sont présentés chaque année au HCTISN. A la demande du HCTISN, les données de l’année 2018 ont également été rappelées pour permettre des comparaisons sur une durée de 5 ans. Ces données concernent l’uranium appauvri, l’uranium de retraitement, le plutonium, les assemblages de combustibles usés les combustibles neufs livrés, évacués, et retraités ainsi que les colis standards de déchets vitrifiés (CSD-V) et les colis standards de déchets compactés (CSD-C).

Présentation des exploitants

Messieurs Jean-Michel Quilichini, directeur de la division combustible nucléaire d’EDF et Pierre Chambrette, directeur sécurité-sûreté et environnement de la Business Unit Recyclage d’Orano ont ensuite présenté les perspectives d’évolution des entreposages et la mise en œuvre des solutions envisagées. La présentation est disponible ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/2025_03_20_reunion_hctisn_-_situation_du_cycle_du_combustible_.pdf

Monsieur Quilichini a d’abord rappelé les quantités de matières mises en jeu dans l’amont et dans l’aval du cycle et ont rappelé la stratégie française de traitement recyclage du combustible et les atouts compétitifs qu’elle procure. La relance dans la durée de la filière nucléaire en France implique, selon lui, d’anticiper dès à présent la question stratégique des ressources en uranium naturel. Par ailleurs, pour atteindre l’objectif de fermeture du cycle souhaité par l’État, plusieurs scénarios sont possibles, en suivant une trajectoire qui reste à définir.
Monsieur Chambrette a de son côté indiqué que la situation du cycle 2024 renouvelée implique un éloignement du risque de saturation des piscines d’entreposages au-delà de 2040 et sans recours aux capacités offertes par les plans de mitigation (densification des piscines) hors survenue d’un aléa dimensionnant. Il a fait un point sur le fonctionnement des usines de Melox et de La Hague, avec une production en 2024 qui a permis de conserver les marges d’entreposages prévues, sur le plan de mitigation avec une progression des projets visant à pallier le risque de saturation des entreposages (actions de maintenance, densification des piscines d’entreposages de La Hague, extensions des entreposages de boîtes de rebuts de MOX sur La Hague et porusuite des études sur l’entreposage à sec).
Au regard de ces éléments, Monsieur Quilichini a mentionné l’avancement et les perspectives sur le parc actuel (recyclage de l’URE qui a repris à Cruas, perspective d’ouverture de tranches 1300 MWe à l’URE, en plus des 22 réacteurs 900 MW « moxés » de nouveaux réacteurs (Blayais 3 et 4) seront moxés dans le futur, la démonstration à venir du MOXage du palier 1300 avec 2 étapes : l’introduction de 4 assemblages précurseurs sur le réacteur Paluel n°4 puis l’introduction de recharges complètes sur le réacteur Paluel n°4.
Monsieur Chambrette a enfin fait un point sur le projet Aval du futur consistant en des nouvelles piscines d’entreposage des combustibles et une nouvelle usine de MOX à La Hague, assurant la pérennisation de la politique de traitement recyclage et répondant aux attentes du CPN et des PPE actuelles et futures.
Concernant le renouvellement de l’usine de traitement de La Hague, la capacité totale de traitement à terme sera équivalente aux capacités actuelles, la capacité d’entreposage à terme sera de 3 bassins de 6 500 tmli chacun, l’objectif est de pouvoir traiter industriellement les MOX et URE. L’objectif de mise en service du premier bassin du futur atelier de déchargement et entreposage (ADEC) est fixé en 2040.
Concernant le renouvellement de l’usine de recyclage de Melox, il consistera en la réalisation du nouvel atelier de fabrication de MOX équivalent aux capacités nominales de Melox et la réalisation d’un entreposage de dioxyde de plutonium PuO2 (en substitution à long terme aux capacités d’entreposage actuelles du site de La Hague). L’objectif de mise en service est fixé à l’horizon 2040.

Réactions de l’ASNR, de la CNE2 et de l’Anccli

À la suite de la présentation des exploitants, l’ASNR (Pierre Bois, directeur général adjoint et Igor Le Bars, directeur de l’expertise en sûreté), la CNE2 (Philippe Gaillochet) et l’ANCCLI (Yves Lheureux, Secrétaire général) ont fait part de leurs réactions.
L’ASNR a notamment mentionné que les travaux sur la Hague et Melox sont satisfaisants avec un bémol sur les capacités de production de Mélox du fait de la maintenance mise en œuvre. Ces capacités de production (nominale) permettent uniquement de stabiliser l’inventaire de Pu. Concernant les parades nécessaires pour faire face à un aléa, la densification des piscines a été autorisée dans son principe en décembre 2024, sa mise en œuvre n’est pas encore autorisée. Les parades restent des parades et ne doivent pas être utilisées dans le cadre d’un fonctionnement « normal ». Pour l’entreposage à sec, il y a une bonne visibilité sur le dossier, la différence notable vis-à-vis de l’étranger tient à la possibilité, en France, de retraitement des combustibles avant entreposage. L’horizon de saturation des piscines passe de 2030 à 2040, de nouvelles capacités doivent être disponibles et les études commencent pour l’entreposage sous eau. Un dossier d’options de sureté est à venir.
Concernant l’entreposage d’URT, l’ASNR cite l’entreposage « Fleur » (Fourniture locale d’entreposage d’uranium de retraitement). Cette installation (INB n°180), dont la création a été autorisée le 18 mars 2022 par le décret n°2022-391, permettra l’entreposage de conteneurs contenant des oxydes d’uranium, principalement du sesquioxyde d’uranium (U3O8) issu du traitement des combustibles nucléaires irradiés (dit « URT ») et du dioxyde d’uranium naturel (UO2).
S’agissant de la résorption des rebuts de Mox et du Plutonium (Pu), il était originellement prévu de consommer autant de Pu que produit mais ce n’est pas le cas, ainsi le stock augmente. Le Pu vieillit avec création d’américium (Am), il se dégrade et n’est plus forcément reprenable. Il faut gérer le stock et le « désaméricier » régulièrement car le Pu américié émet plus de radiations et augmente la puissance thermique des conteneurs.

La CNE2 mentionne trois points en réaction à la présentation des exploirants. 1. Les marges d’entreposage, avec un glissement successif de la date de saturation de 2029 puis 2034 puis 2040. Ce calendrier est très tendu et sujet à des révisions. Concernant les 3 bassins à venir à la Hague, leur disponibilité à l’horizon prévu reste incertaine selon la CNE2. 2. La question du vieillissement des combustibles est une question peu traitée, avec peu de connaissance de l’évolution de l’état du combustible en piscine. Peu de retour d’expérience sur l’entreposage à sec, notamment vis-à-vis de la surveillance et du retraitement post entreposage à sec. 3. L’aval du futur : interrogation sur l’utilisation de MOX dans les futur REP et/ou RNR, quelle stratégie sera mise en œuvre. La CNE2 préconise l’utilisation de MOX dans les RNR.

L’Anccli de son côté, mentionne l’échelle de temps qui nous dépasse et fait une proposition à la présidente d’avoir un groupe de travail au sein du HCTSIN pour émettre des avis au fil des années. Il ne faut plus utiliser le mot cycle tant que le cycle ne sera pas fermé (pas avant 30 à 50 ans) ou alors entre guillemets. Selon elle, on parle beaucoup d’indépendance énergétique mais il y a des connexions avec la Russie, l’Allemagne et les pays producteurs d’uranium donc il convient d’être transparent sur la question de l’indépendance. L’Anccli a publié un livre blanc sur les piscines d’entreposages en 2021. L’Anccli revient également sur la perte de temps et les errements politiques. L’aval du futur, est un projet intéressant néanmoins l’échelle de temps est décalée par rapport à un certain nombre de plans (PNGMDR/PPE…). Concernant les projets, l’Anccli est surprise qu’il n’y ait pas de différents scénarios (changements de politique, défaillance du type de la corrosion sous contrainte…). La notion entre matière et déchet mériterait également d’être explicitée selon elle. Enfin, pour atteindre la fermeture du cycle il faut une filière de RNR mais aussi d’EPR assez développée, ce qui ne sera pas disponible avant la fin du siècle. La présentation est disponible ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/vf_hctisn_2025-03-20_anccli.pdf

Présentation d’Orano sur le traitement de combustibles étrangers en France

Marion Poupinel-Descambres, directrice de la stratégie de la BU Recyclage d’Orano a ensuite fait une présentation sur le traitement de combustibles étrangers en France : quantités, nature, retours. Elle a d’abord rappelé les principes de retour : conformément à la réglementation et aux accords en vigueur, les déchets sont destinés à être restitués aux propriétaires des combustibles, qui sont responsables de leur mise en stockage dans leur pays respectif. Les conteneurs appartenant aux clients étrangers sont expédiés vers le pays d’origine des combustibles usés : CSD-C (déchets de structure et technologiques compactés), CSD-V ou CSD-U (produits de fissions vitrifiés), CSD-B (boues et effluents vitrifiés de moyenne activité). Des chiffres ont été présentés sur la situation des retours de CSD-V et CSD-C aux clients étrangers et sur les matières entreposées à La Hague à fin 2023 (part par pays). Enfin, elle fait un point sur le renvoi au Japon de déchets au titre des contrats de traitement de combustibles usés signés avec des électriciens japonais (cadre contractuel, état des lieux, cadre réglementaire et « recours à l’équivalent »). La présentation est disponible ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/2025_03_20_hctisn_contrats_export_orano_vf.pdf

Réactions

En réaction à ces éléments, Jacky Bonnemains, de l’association Robin des Bois, donne d’abord ses impressions sur sa visite des installations de La Hague. Il indique que le site est constitué, outre les INB (installations nucléaires de base), de nombreuses ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) qui pourraient avoir des interactions. Il relève également une déconnexion entre un bâti qui semble vétuste et des salles de conduite et de télé-opérations très modernes. Il fait ensuite part de son incompréhension concernant le projet "aval du futur" et le fait de concentrer tous les projets sur le site de La Hague, qui est déjà, selon lui, très encombré et ne pourrait physiquement accueillir ces futures installations. Il s’inquiète également de la survenue d’un aléa à La Hague qui donnerait lieu à une évacuation du site. Il mentionne enfin la fabrication des paniers pour les combustibles usés, réalisés à l’usine d’Orano Témis à Valognes, et ses inquiétudes sur leurs contrôles, notamment sur les soudures.
Orano indique que la superficie actuelle de Melox n’est que de 11 ha dont 5 ha d’installations nucléaires. Une zone de 50 ha a été identifiée au nord-ouest du site de La Hague (comprenant le parc aux ajoncs) pour ces futures installations.
L’ASNR indique que les paniers n’étant pas des équipements sous-pressions (ESP), elle ne réalise pas les contrôles de premier niveau mais fera des inspections d’Orano Témis et vérifiera notamment leurs contrôles, en second niveau.

Une question a également été posée sur les études disponibles concernant la prolongation de la durée de vie des centrales américaines à 80 ans. En réponse, des informations sont disponibles sur les liens ci-dessous :
https://www.sfen.org/rgn/gendarme-nucleaire-americain-penche-prolongation-80-ans-centrale-peach-bottom/
https://www.world-nuclear-news.org/Articles/Second-US-plant-licensed-for-80-year-operation

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Le HCTISN remercie l’ensemble des intervenants et participants.