Le Haut comité a tenu sa 70e réunion plénière le mardi 15 octobre consacrée, en grande partie, au sujet de la participation du public à la prise de décisions dans le domaine nucléaire
du 16 octobre 2024
Le 15 octobre 2024, les membres du Haut comité pour la transparence et la sécurité nucléaire (HCTISN) se sont réunis pour la 70e réunion plénière afin d’échanger sur des points d’actualité et, plus principalement, sur le sujet de la participation du public à la prise de décisions dans le domaine nucléaire.
Les points d’actualité
Le matin, les membres ont échangé autour de divers points d’actualité.
Un mot a été prononcé par Jean-Claude Delalonde, Président de l’Anccli, en la mémoire de Gilles Reynaud récemment décédé.
Le secrétariat du HCTISN a fait un point d’avancement sur les travaux des groupes de travail du Haut comité, en particulier le groupe de suivi des concertations Cigéo et les comités chargés de l’organisation de la concertation sur la phase générique du 4e réexamen périodique des réacteurs de 1300 MWe (lien vers la présentation ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/0_fond...).
Les travaux en cours concernant la loi sur la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ont été présentés par Anne-Cécile Rigail, cheffe du service risques technologiques à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), Jean-Christophe Niel, directeur général de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et Bernard Doroszcuk, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
La DGPR a fait un point sur l’avancement des décrets d’application de la loi en présentant notamment les ministères pilotes et les consultations menées sur chacun des textes (présentation ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/1_2024...) puis l’ASN et l’IRSN sont revenus sur les travaux en cours concernant, en particulier, l’organisation et le règlement intérieur de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).
Le directeur d’exploitation de Flamanville, M. Grégory Heinfling, a ensuite fait un point sur la mise en service de l’EPR de Flamanville, en listant les différentes étapes techniques et réglementaires (présentation ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/2_edf_...) et en détaillant les évènements significatifs de sûreté (ESS) qui ont eu lieu depuis la mise en service et en expliquant les raisons et les mesures de corrections mises en place à la suite. L’ASN a indiqué être particulièrement vigilante quant à l’analyse des causes de ces événements et aux actions menées par EDF pour en tirer le retour d’expérience et sécuriser les activités de démarrage.
M. Jean-Michel Quilichini, Directeur de la Division Combustible Nucléaire d’EDF, et Madame Laurence Gazagnes, directrice Sûreté, Santé, Sécurité et Environnement d’Orano, ont par ailleurs annoncé au HCTISN l’abandon du projet de piscine centralisée d’entreposage des combustibles usés porté par EDF. Ce projet est remplacé par un autre, toujours à La Hague mais sous maîtrise d’ouvrage Orano. Les nouvelles capacités d’entreposage de combustibles usés seront adossées à la construction de nouveaux ateliers et usines d’Orano et devraient être prêtes en 2040. Cette substitution du projet d’EDF par un projet qui serait attaché à l’outil industriel d’Orano s’explique par la production industrielle des usines de La Hague, en amélioration, et par les orientations politiques exposées en Conseil de politique nucléaire (CPN) le 26 février 2024 (à savoir un maintien durable de la production électronucléaire en France et une confirmation de la politique de traitement recyclage, en visant un cycle intégralement fermé à l’horizon de la fin du siècle). Ces données éloignent le risque à court terme de saturation des capacités d’entreposage des combustibles usés et ont conduit EDF et Orano à engager la nécessité d’une réflexion prospective de la stratégie industrielle sur le site de la Hague pour un projet cohérent et optimisé sous la maîtrise d’ouvrage d’un seul acteur. Cette réflexion a amené ces exploitants à proposer à la DGEC et à l’ASN une évolution du portage industriel du projet de nouvelles capacités d’entreposage d’EDF vers Orano. Lien vers la présentation : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/2024_1...
La nouvelle campagne de distribution des comprimés d’iode, qui se déroule entre septembre et octobre 2024 dans le périmètre des 10km autour des sites nucléaires, a ensuite été présentée par Jean-Claude Delalonde, Président de l’Anccli. Jean-Claude Delalonde est revenu sur les éléments positifs et sur les limites de cette campagne qui obéit à de nouvelles règles en application d’une instruction du 4 juillet 2024 (lien vers la présentation ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/4_ppt_...). Des souhaits pour l’avenir ont été soulignés, notamment : que la distribution d’iode ne se fasse plus via des campagnes limitées dans le temps mais qu’il s’agisse d’un dispositif pérenne et continu permettant aux habitants, notamment les nouveaux arrivants, de s’approvisionner ou de renouveler leurs comprimés quand ils le souhaitent ; que les pharmacies participant à la distribution de comprimés soient plus nombreuses et opèrent une comptabilisation des retraits par les habitants, l’enjeu étant de s’assurer que le taux de retrait est aussi élevé que possible ; que les campagnes d’information soient davantage adaptées aux impératifs de renforcement d’une culture de la radioprotection chez les habitants.
La participation du public à la prise de décisions dans le domaine du nucléaire
L’après-midi de la plénière a été consacré à la question de la participation du public à la prise de décisions en matière nucléaire, avec deux objectifs.
D’une part, informer les membres d’une actualité foisonnante : clôture très récente de la concertation organisée par le HCTISN sur la poursuite de fonctionnement des réacteurs de 1300 MWe ; débat public ouvert la veille à propos du « technocentre » de Fessenheim ; débat public en cours relatif à la construction de deux réacteurs EPR2 à Gravelines ; compte-rendu et bilan du débat public sur la relance d’un programme nucléaire et le projet d’EPR2 à Penly (voir ici : https://www.debatpublic.fr/nouveaux...) ; consultation à venir sur la programmation énergétique et la stratégie nationale bas carbone, etc.
D’autre part, au-delà de ces actualités, le HCTISN a estimé utile de mener une réflexion plus générale et plus qualitative sur tous ces dispositifs qui visent à informer et associer le public à la préparation et à la construction des décisions, et ce alors que s’expriment aujourd’hui à leur sujet des points de vue très opposés. Certains observent qu’en matière nucléaire, le champ du débat public et de l’enquête publique a perdu du terrain et que le principe de participation tend à être escamoté face aux objectifs d’accélération, de simplification, de fluidification. D’où les efforts pour « réenchanter » la démocratie (voir conférence du CESE, 9 octobre 2024, sur la démocratie environnementale : https://www.lecese.fr/agenda/evenem...), tandis que d’autres considèrent au contraire que la mobilisation et la contestation « paieraient davantage » que les exercices démocratiques.
D’autres encore s’interrogent ouvertement sur le rapport entre le coût (financier et humain) et l’utilité des débats et concertations publics en termes de préparation des décisions. Ils insistent sur l’énergie requise, la relative faiblesse de la participation du « grand public », le fait que les points de vue restent souvent figés et que consulter les citoyens serait facteur de blocage des projets.
Pour aborder ces questions, le HCTISN a reçu : Claude Brévan (garante de la Commission nationale du débat public (CNDP) ayant suivi la concertation sur la phase générique du 4e réexamen périodique des réacteurs de 1300 MWe ainsi que Jean-Louis Laure), Jean-Louis Laure (Président de la commission particulière du débat public sur le Technocentre de Fessenheim), Marc Papinutti (Président de la Commission nationale du débat public (CNDP)), Michel Badré (Président de la Commission Particulière du Débat Public chargée du débat sur la relance d’un programme nucléaire et le projet de deux réacteurs EPR2 à Penly) (voir sa présentation ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/5_2410...), Marie-Céline Battesti (Présidente de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs), Brigitte Fargevieille (Directrice dialogues et concertations du groupe EDF), Audrey Lebeau-Livé (Cheffe du Service des politiques d’ouverture à la société de l’IRSN) (voir sa présentation ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/20anso...), Guillaume Blavette (représentant le collège des associations du HCTISN).
Ont été particulièrement discutés les points suivants : la consultation des « parties prenantes » (ONG, syndicats, etc.), qui a évolué ces dernières années dans le bon sens ; l’association des publics dans la phase amont du dialogue territorial, ; la consultation du « grand public », via des réunions en concertation préalable et débats publics mais également en concertation continue, qui soulève la question des modalités les plus adaptées pour mobiliser les publics et favoriser leur « concernement » ; les variables en jeu dans le plus ou moins grand « succès des débats » (pertinence de la question soumise au public, prise en compte du territoire, des expertises d’usage des citoyens, temps alloué au débat, options politiques ouvertes jusqu’à la fin du débat, information accessible, clarification des controverses, reddition des comptes, etc.).
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Le HCTISN remercie l’ensemble des intervenants et participants.
- Le verbatim de la réunion sera bientôt disponible.
- Toutes les présentations sont ici : http://www.hctisn.fr/70e-reunion-pleniere-du-haut-comite-du-15-octobre-a325.html.
- L’ordre du jour est ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/ordre_du_jour_ple_nie_re_15102024_def.pdf