Le Haut comité a tenu sa 74e réunion plénière le 2 octobre 2025 consacrée au projet Cigéo

Le Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) a consacré sa 74ᵉ réunion plénière tenue le 2 octobre 2025 au projet Cigéo, projet français de centre de stockage profond de déchets radioactifs. Alors qu’une demande d’autorisation de création (DAC) a été déposée par l’ANDRA le 16 janvier 2023, cette séance avait pour objectif d’aborder les enjeux liés au projet, notamment l’instruction en cours de la DAC, les dialogues et concertations passés et à venir ainsi que les questions de fond que soulève le projet, en particulier les alternatives, l’impact qu’ont sur lui les futurs choix de politique énergétique, ou encore son coût.

1. Contexte institutionnel

Une première séquence, animée par Michel Badré, pilote du groupe de suivi des concertations Cigéo du HCTISN, a permis de rappeler les grandes lignes du projet, les étapes passées et celles qui restent à franchir.

2.1. Les grandes lignes du projet Cigéo et les étapes franchies (Sébastien Farin, directeur dialogues et prospective, Andra)

L’Andra a rappelé l’historique du projet depuis 1991, ainsi que son objectif et ses grandes lignes. Le projet Cigéo vise à stocker en couche géologique profonde les déchets hautement radioactifs (HA) et ceux de moyenne activité à vie longue (MA-VL).
Le périmètre des déchets pris en compte pour les études de Cigéo se décompose en deux volets :
• un inventaire de référence, qui sert de base à la conception de Cigéo (études d’avant-projet) et à la démonstration de sûreté ;
• un inventaire de réserve, destiné à prendre en compte d’éventuelles évolutions de stratégie industrielle ou de politique énergétique, ainsi que certaines incertitudes. Cet inventaire de réserve donne lieu à des études d’adaptabilité, sous réserve des autorisations nécessaires.
Le projet prévoit un déploiement souterrain progressif, avec des décisions et autorisations successives, afin d’intégrer les progrès techniques et les évolutions futures.
L’Andra a rappelé que la réversibilité du stockage est une attente forte de la société et constitue un enjeu majeur de gouvernance. Ce principe est inscrit dans la loi n° 2016-1015 du 25 juillet 2016, qui précise les modalités de création de Cigéo.
Enfin, l’Andra a présenté le principe de la phase industrielle pilote (Phipil), qui concrétise la démarche progressive et prudente de construction et de mise en service de la future installation nucléaire de base (INB) Cigéo, ainsi que son calendrier prévisionnel.
La présentation de l’Andra est ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/2.1.andra_presentation_de_cigeo_-_andra.pdf

2.2. L’instruction de la demande d’autorisation de création (DAC) : modalités, suites et calendrier prévu ( Benoît Bettinelli, chef de la mission sûreté nucléaire et radioprotection, DGPR/MSNR)

La Mission de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (MSNR) de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) a rappelé le cadre législatif spécifique applicable au projet Cigéo. Celui-ci repose notamment sur la procédure de demande d’autorisation de création (DAC), qui combine :
• la procédure “classique” applicable aux installations nucléaires de base (INB), définie au chapitre III du titre IX du livre V du Code de l’environnement ;
• et des dispositions particulières propres au centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs, prévues à l’article L.542-10-1 du même code.
Ces spécificités se traduisent notamment par :
• la publication d’un décret définissant la zone de consultation des collectivités concernées (Décret n° 2025-771 du 4 août 2025 définissant la zone de consultation des collectivités territoriales) ;
• la nécessité d’obtenir plusieurs avis et rapports complémentaires avant de poursuivre la procédure (notamment ceux de l’ASNR, de la CNE2 et de l’OPECST) ;
• et l’adoption d’un décret d’autorisation pris en Conseil d’État.
Ces exigences particulières auront pour effet d’allonger la durée d’instruction : le délai initial de trois ans devrait être prorogé de deux ans, conformément aux dispositions du Code de l’environnement qui le permettent « lorsque la complexité du dossier le justifie ».
Les étapes postérieures au décret d’autorisation de création du projet Cigéo présentent également des spécificités. L’autorisation de mise en service sera d’abord limitée à la phase industrielle pilote (Phipil). À l’issue de cette phase, un bilan complet sera établi par l’Andra, puis soumis pour avis à l’ASNR, à la CNE2 et aux collectivités territoriales concernées, avant d’être transmis à l’OPECST. Sur la base de ce bilan, le Gouvernement présentera un projet de loi destiné à adapter les conditions de réversibilité, étape préalable indispensable à la mise en service complète de l’installation, soumise à l’autorisation de l’ASNR.
La présentation de la DGPR-MSNR est ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/2.2.dgpr-msnr_presentation_calendrier_cigeo.pdf

2.3. L’articulation entre le PNGMDR et Cigéo et les enjeux du débat public sur le 6ᵉ PNGMDR ( Quentin Deslot, adjoint au sous-directeur de l’industrie nucléaire, DGEC)

La Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) a présenté l’articulation entre le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) et le projet Cigéo. Adopté tous les cinq ans, le PNGMDR définit les besoins nationaux en matière d’installations de stockage et d’entreposage. Le plan actuellement en vigueur prévoit la poursuite de la mise en œuvre du projet Cigéo, en tant que solution de référence pour la gestion des déchets hautement radioactifs (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL). Dans le temps du déploiement du projet, le plan s’attache à relancer la recherche sur des solutions complémentaires. Plusieurs actions sont en cours, notamment la clarification des modalités d’association du public et la définition des critères de réussite de la phase industrielle pilote (Phipil). D’autres travaux demeurent à conduire sur le coût global du projet Cigéo, le conditionnement des déchets produits avant 2015 ainsi que les voies de gestion des colis de déchets bitumés.
Concernant le débat public qui s’ouvrira prochainement dans le cadre de l’élaboration du PNGMDR 2027-2031, la DGEC a précisé qu’il n’interfère pas avec les études du plan actuel. Ce débat aura pour objectifs d’alimenter les réflexions sur la gouvernance future des déchets HA et MA-VL et d’assurer une mise en œuvre efficace de Cigéo après l’obtention du DAC, notamment en définissant les objectifs et critères de la phase industrielle pilote, en garantissant la transparence et l’association du public, et en préservant la cohérence entre Cigéo et la gouvernance nationale des déchets radioactifs.
La présentation de la DGEC est ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/2.3.dgec_articulation_pngmdr_cigeo_4a-4c.pdf
Lien vers le site du débat public du 6e PNGMDR 2027-2031 : https://www.debatpublic.fr/gestion-matieres-et-dechets-radioactifs

Réactions à propos du contexte institutionnel

Des parlementaires ont exprimé leurs réactions, soulignant les enjeux démocratiques associés aux différentes étapes du projet Cigéo.

M. le sénateur Patrick Chaize (sénateur de l’Ain) a relayé plusieurs interrogations qui lui ont été adressées, notamment concernant : la sécurité du site, le dispositif de secours électrique actuellement fondé sur un groupe électrogène, la possibilité d’un secours reposant sur un petit réacteur modulaire (small modular reactors - SMR), la valorisation potentielle de certains déchets par d’éventuels futurs SMR ainsi que la durée de réversibilité de cent ans.

Mme la députée Dominique Voynet (députée du Doubs, 2e circonscription) a, pour sa part, rappelé que le projet s’inscrit dans un temps long, et que malgré le sentiment d’irréversibilité que peuvent éprouver certains citoyens, de nombreuses étapes décisionnelles restent encore à venir. Elle a insisté sur la nécessité pour les parlementaires d’en avoir pleinement conscience. Elle a également évoqué les incertitudes exprimées par les citoyens et les associations quant à la nature exacte des déchets qui seront finalement stockés dans Cigéo, en raison d’un manque de clarté perçu entre l’inventaire de référence et l’inventaire de réserve, particulièrement dans le contexte des décisions récentes liées au développement de nouveaux réacteurs nucléaires.

Sébastien Farin, représentant de l’Andra, a précisé que la décision de lancer les six projets d’EPR2 s’était appuyée, en amont, sur un rapport gouvernemental (publié le 18 février 2022) analysant les conditions de déploiement du nouveau parc nucléaire, y compris ses conséquences sur la gestion des déchets radioactifs et concluant que pour les déchets les plus radioactifs qui seraient produits par de nouveaux réacteurs de type EPR2, il n’est pas identifié à ce stade d’éléments rédhibitoires à leur accueil dans le centre Cigéo (https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/2022.02.18_Rapport_nucleaire.pdf).

3. Instruction de la demande d’autorisation de création (DAC) (Pierre Bois, directeur général adjoint de l’ASNR & Delphine Pellegrini, adjointe au directeur de la recherche et de l’expertise en environnement de l’ASNR)

L’ASNR a présenté l’état d’avancement de l’instruction technique du dossier de demande d’autorisation de création (DAC) de Cigéo, en mettant l’accent sur l’expertise technique de ce dernier, le projet d’avis de l’ASNR et les dialogues et consultations avec les parties prenantes.
Depuis début 2023, l’ASNR conduit une évaluation approfondie de la DAC de Cigéo. Les conclusions de son expertise ainsi que celles du groupes groupe permanent d’experts pour les déchets thématiques font état d’un socle de connaissances solide en matière de sûreté du projet. Toutefois, certains points d’attention subsistent pour la phase industrielle pilote. La démonstration de sûreté pour les phases d’exploitation et post-fermeture atteint désormais quant à elle un niveau de maturité satisfaisant, même si des compléments restent nécessaires afin de consolider certaines composantes.
Un dialogue technique, engagé de janvier 2023 à octobre 2025 avec les parties prenantes, a permis d’intégrer les préoccupations de la société civile et d’enrichir l’examen du dossier. Ce processus a favorisé le renforcement de l’expertise de l’ASNR tout en permettant au public de mieux appréhender les enjeux. Il a notamment abouti à la co-construction, avec la société civile, d’un scénario explorant les conséquences d’une rupture sociétale conduisant à l’arrêt de l’exploitation du stockage et à l’abandon du site.
L’ASNR a présenté son projet d’avis, qui synthétise sa position à l’issue de l’instruction technique et vise à éclairer les parties prenantes ainsi que le public en amont de l’enquête publique. Une consultation sur ce projet d’avis se tiendra entre octobre et novembre 2025, afin de recueillir les contributions des parties prenantes avant l’enquête publique prévue en 2026.
L’ASNR a insisté sur l’importance du dialogue continu avec les parties prenantes et la société civile pour le développement du projet et sur la nécessité de le poursuivre au-delà de l’étape de l’autorisation de création, notamment durant la Phipil.

La présentation de l’ASNR est ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/3__asnr_hctisn_instruction_technique_de_la_dac_cigeo.pdf

Réactions sur l’instruction de la DAC

Yves Lheureux, directeur de l’ANCCLI, a exprimé sa satisfaction de ce que les parties prenantes aient été régulièrement consultées, y compris sur le cadrage de l’expertise. Il a aussi fait part de ses regrets concernant le délai de consultation des parties prenantes sur le projet d’avis, limité à quatre semaines et jugé insuffisant au regard de l’ampleur et de la complexité du dossier. L’ANCCLI souhaite que l’OPECST mette en place un groupe de travail chargé de suivre le déroulement de la PHIPIL. Ce groupe aurait pour mission de consigner, au fil du temps, les questions, réflexions et points de vue des parlementaires relatifs à l’avancement de la PHIPIL et au respect des critères attendus. Ce recueil documentaire, enrichi progressivement, permettrait d’alimenter la réflexion et d’éclairer la prise de décision des parlementaires lors du vote de la future loi (cf. note de l’ANCCLI). Enfin, Yves Lheureux a évoqué le manque de clarté concernant les inventaires, notamment quant au devenir du MOX, aujourd’hui considéré comme matière mais susceptible d’être à l’avenir qualifié de déchet, avec les incidences que cela aurait sur l’inventaire.

Questions et échanges

Claire Morand, garante de la CNDP, a souligné l’importance d’une large ouverture de l’enquête publique prévue en 2026. Elle a insisté sur la nécessité de permettre une participation numérique et de fournir des documents synthétiques, afin de garantir à tous les publics un accès facilité à l’information. Bernard Laponche, représentant de Global Chance, a exprimé le besoin d’identifier clairement, dans un document dédié, les différences entre le dossier de 2023, objet de l’instruction technique de l’ASNR, et la version actualisée du dossier mise en ligne fin septembre 2025 suite au projet d’avis de l’ASNR. Claire Morand a complété en précisant que des compléments d’information, attendus de la part de l’Andra, devront être intégrés au dossier à différentes étapes du processus : lors de la mise à jour du dossier de DAC, avant l’enquête publique et ultérieurement. Elle a soulevé la question de la transparence et du suivi de l’information pour le public concernant ces ajouts. En réponse, Sébastien Farin, de l’Andra, a indiqué que les modifications apportées dans la nouvelle version du dossier en ligne sont signalées en gris et détaillées dans les annexes.

  1. Lien vers la page Andra sur les dossiers techniques, notamment le dossier de DAC mis à jour : https://www.andra.fr/cigeo/les-documents-de-reference
  2. Lien vers la page ASNR sur le projet Cigéo : https://reglementation-controle.asnr.fr/espace-professionnels/installations-nucleaires/projet-de-centre-de-stockage-en-couche-geologique-profonde-cigeo
  3. Lien vers la page CNDP sur le projet Cigéo : https://www.debatpublic.fr/cigeo-centre-de-stockage-reversible-profond-de-dechets-radioactifs-1927

4. Dialogues, concertations et questions de fond

L’après-midi a été consacrée aux sujets de fond liés au projet tels qu’ils ressortent des questionnements du public depuis les premiers débats publics (2005 et 2013). Parmi ces sujets ressortent en particulier : les alternatives au projet, la politique énergétique et son impact sur le projet et enfin les coûts du projet.

4.1. Rapports des garants et mémoire de la concertation (Marie-Line Meaux et Jean-Daniel Vazelle, garants CNDP)

Marie-Line Meaux et Jean-Daniel Vazelle, garants CNDP de la concertation continue relative au projet Cigéo entre 2013 et 2022, ont présenté une synthèse des questionnements exprimés par le public au cours de cette période. L’objectif principal de ce document, établi à la demande de la présidence de la CNDP, est de préserver et de transmettre aux générations futures une part de la mémoire de la concertation autour d’un projet hors normes, y compris du point de vue temporel. Depuis la loi du 30 décembre 1991, la société civile s’est pleinement investie dans ce contexte aux dimensions politiques, sociologiques et éthiques. Au moment où se prépare la prochaine enquête publique d’autorisation de création, cette synthèse des questionnements, construite sans hiérarchie ni chronologie, reflète donc l’ensemble des préoccupations du public, des parties prenantes, ainsi que des contributions publiées. Elle livre en regard où trouver les éclairages déjà produits par les acteurs institutionnels. Ces questionnements sont regroupés suivant quatre grandes thématiques : 1) l’opportunité, l’éthique et l’utilité publique ; 2) la réversibilité et la récupérabilité ; 3) la conception industrielle et la sûreté ; ainsi que 4) la gouvernance.
La présentation des garants est ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/4.1_cndp_pleniere_hctisn.pdf

Réactions à propos du document de synthèse des garants

Michel Badré, pilote du groupe de suivi Cigéo du HCTISN, a partagé avec les membres du HCTISN la position des membres du groupe de suivi sur ce travail. Le groupe a unanimement salué la qualité, la rigueur et la neutralité du rapport des garants CNDP, qui restitue fidèlement l’ensemble des questionnements depuis le débat public de 2013. Les parties prenantes ont mis en avant des enjeux majeurs : conception du projet, gouvernance, éthique, choix du stockage géologique, réversibilité et récupérabilité, équité intergénérationnelle, gestion du temps long et accès à l’information. Elles ont également souligné les incertitudes concernant le dimensionnement, le financement et les modalités de la phase industrielle pilote, ainsi que le besoin en ressources humaines et les différences de priorités entre parties prenantes et société civile. Le rapport met en exergue la récurrence, dans le secteur nucléaire, du manque de transparence et d’écoute citoyenne, point que le projet Cigéo devra impérativement dépasser.

Michel Badré a également évoqué les contributions des quatre associations membres du CLIS de Bure, transmises dans un courrier adressé au HCTISN à l’occasion de cette plénière. Christine Noiville et Michel Badré avaient rencontré ces associations en juin, les informant de la tenue de cette plénière en octobre. Les associations s’expriment notamment sur le calendrier d’instruction de la DAC, l’avis de l’ASNR et le dialogue technique.

Benoît Jaquet, secrétaire général du CLIS de Bure, a réagi en rappelant la succession des étapes du projet (DOS, DUP, DAC) et les différents rendez-vous : concertations, enquêtes et débats publics. Il a exprimé le sentiment que certaines réponses attendues par la société civile sont systématiquement repoussées à des phases ultérieures, pouvant donner l’impression de démarches dilatoires. Selon lui, il n’est pas évident d’accepter que la persistance des incertitudes actuelles ne suscite pas davantage de réserves de la part de l’ASNR dans son projet d’avis. Il a rappelé les inquiétudes et la diversité des perceptions des citoyens concernant la réversibilité et la récupérabilité. Comme d’autres membres, il a pointé le manque de clarté dans les inventaires, notamment sur la stabilité du classement des déchets (les MA-VL bitumés pourraient devenir des FA-VL, certains FA-VL pourraient intégrer l’inventaire de réserve, et des incertitudes demeurent sur les déchets étrangers issus des opérations de « swap »). Enfin, il a souligné l’importance de définir précisément le contenu de la Phipil (nature des tests, types de colis, critères d’évaluation, etc.), qui sera discuté dans le cadre de la commission d’orientation du PNGMDR.

Questions et échanges

Dominique Voynet, députée du Doubs, a demandé la création d’un tableau de bord permettant de suivre l’évolution des concepts techniques, des décisions et des engagements pris dans le cadre du projet, afin d’en assurer la traçabilité dans le temps.
Guillaume Blavette (FNE) a regretté le manque d’informations disponibles et la difficulté d’accès aux données primaires de l’Andra.
Les garants de la CNDP ont souligné un point souvent ignoré : le site de l’ASNR regroupe de nombreux documents détaillés, tels que les lettres de suite et d’engagement. Toutefois, il manque selon eux un document synthétique retraçant les réserves formulées par l’ASNR et leurs implications sur la poursuite du projet.
Édouard Brézin (Académie des Sciences) a souhaité des précisions sur le contexte international et sur les positions de l’AIEA concernant le stockage géologique profond des déchets HA et MA-VL. Cette option reste à ce jour l’option de référence au plan international, bien qu’un certain nombre de pays lui préfèrent l’entreposage en subsurface. Sur ce point, l’ANCCLI a suggéré que, compte tenu de l’importance technique, sociétale mais aussi politique d’une telle option un pool d’experts internationaux pourrait participer à la démarche d’instruction et de suivi de la Phipil afin de produire un rapport indépendant dont les parlementaires pourraient aussi se saisir lors de leur décision éventuelle de poursuivre le fonctionnement de Cigéo (voir avis sur la Phipil, page 4). Il a également été rappelé que l’ASN avait organisé, en 2016, une revue internationale lors de l’instruction du DOS.

4.2. Les alternatives (Gilles Pijaudier-Cabot, président du CEDA)

S’agissant des alternatives au projet Cigéo, Gilles Pijaudier-Cabot (Université de Pau, pilote du comité) a présenté un rapport d’étape du Comité d’expertise et de dialogue sur les alternatives (CEDA) qui a pour mission d’examiner la recherche scientifique nationale et internationale en matière de gestion des déchets, d’évaluer la validité et le degré d’avancement des pistes envisagées et enfin d’informer et formuler des recommandations en la matière, précisément à la gouvernance du PNGMDR. Le rapport d’étape souligne qu’aucune solution alternative crédible au stockage géologique profond n’existe actuellement. En l’état des connaissances scientifiques, certaines pistes de recherche (séparation et transmutation des actinides mineurs, recyclage, procédés de confinement innovants) peuvent constituer des solutions complémentaires mais non complètement substitutives. L’entreposage de longue durée ne peut être considéré comme une alternative viable, car il reporterait sur les générations futures la gestion des déchets à vie longue. Dans ce contexte, les conclusions provisoires du CEDA sont de poursuivre prudemment le déploiement du stockage géologique profond (Cigéo), de maintenir une veille scientifique sur les technologies émergentes et de communiquer clairement sur l’horizon temporel lointain de ces alternatives pour éviter toute attente irréaliste.
La présentation du CEDA est ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/4.2_ceda_point_e_tape_hctisn.pdf

Réactions à propos des alternatives

Georges Mercadal, ancien vice-président de la CNDP, a exposé une variante possible visant à articuler entreposage et stockage. Cette proposition repose sur trois horizons de temps : 1) 20 ans : période de recherche et développement (R&D) menée en parallèle de la PHIPIL afin de tester d’autres options ; 2) 200 ans : gestion réversible des déchets HA-VL en entrepôt de subsurface avec un tri des colis après une surveillance : soit passive par simple observation, soit active par inspection non destructive et vieillissement prédictif ; 3) pour les millénaires : stockage ultérieur des déchets les plus fiables dans une version simplifiée de Cigéo, qu’on pourrait dire « CSGEO », fermée rapidement, bien après stockage des MA-VL. Cette approche vise à limiter les vulnérabilités techniques identifiées dans les débats antérieurs (ventilation, incendies, etc.), acquis par surveillance passive ; à éviter toute dispersion significative de radioéléments dans les alvéoles pour assurer le public contre les surprises de la géologie (option surveillance active) ; à laisser plus de temps à la recherche de rupture (et à ouvrir son champ, par exemple sur des procédés laser pour la réparation des colis refusés par la surveillance active). Georges Mercadal a conclu sur la nécessité d’une expertise sociotechnique préalable (1 à 2 ans), pour préciser le programme de R&D à exécuter pendant PHIPIL, encadré et transparent, intégrant les opposants dans le processus.
o Sa présentation est disponible ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/une_variante_v3.pdf
o Un document plus détaillé ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/georges_mercadal.pdf.

Bernard Laponche, représentant l’association Global Chance, a réagi en posant deux questions : 1) l’enfouissement est-il la bonne solution ? et 2) en considérant que le choix d’un stockage géologique est décidé, le projet Cigéo est-il pertinent ? Sur la première question il a renvoyé aux propos de Georges Mercadal ; sur la seconde, il a exprimé une double critique du projet Cigéo. D’abord, en remettant en cause le choix du site de stockage géologique profond, estimant qu’un projet unique avec une « descenderie » verticale serait à la fois plus sûr et plus économique. Ensuite, en déplorant que le projet actuel néglige l’impact des bouleversements climatiques à venir, soulignant que le dossier DAC lui-même reconnaît que des événements climatiques extrêmes pourraient dépasser les hypothèses de dimensionnement. Il a ainsi appelé à une réévaluation des solutions retenues. Son mémorandum est disponible ici :
http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/bernardlaponche_memorandum_hctisn_2-10-2025.pdf.

Guillaume Blavette, représentant l’association France Nature Environnement, a lui aussi réagi en remettant en question le choix historique du stockage géologique profond et Cigéo, imposé comme solution unique alors que des alternatives auraient dû être explorées et financées. Il a souligné que Cigéo ne traite qu’une faible part des matières nucléaires totales, laissant de côté de grandes quantités d’uranium et de plutonium. Une stratégie globale, intégrée et pilotée par un opérateur public serait selon lui nécessaire pour gérer l’ensemble des matières, garantir la sûreté et permettre la récupérabilité. G. Blavette a critiqué également le sous-dimensionnement du projet, ses risques techniques, son coût jugé insoutenable et le modèle économique d’ensemble du nucléaire français. Il a proposé d’étudier des alternatives, telles que l’entreposage subsurface multi-sites, pour plus de flexibilité et de sécurité au lieu de tout centraliser en un seul lieu. Enfin, il a appelé à revoir la doctrine de gestion des déchets en plaçant les capacités de gestion au cœur des décisions, au lieu de s’en remettre à une seule installation coûteuse et controversée. Sa réaction est disponible ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/4.2_fne_tribune_alternatives.pdf.

Questions et échanges

Roberto Miguez, représentant la CGT, a souligné que le CEDA, dans son rapport, a effectué une comparaison pertinente entre des solutions réellement comparables, contrairement à certains intervenants qui, selon lui, relancent un débat déjà tranché en remettant en question le choix du stockage géologique au profit de l’entreposage de longue durée. À ses yeux, il est désormais temps d’avancer : compte tenu des enjeux sociétaux et des événements récents, il estime qu’il vaut mieux faire confiance à la solution géologique plutôt que de miser sur des innovations scientifiques ou la seule action humaine.
Roberto Miguez, représentant la CGT, a souligné que le CEDA, dans son rapport, a effectué une comparaison pertinente entre des solutions réellement comparables, contrairement à certains intervenants qui, selon lui, relancent un débat déjà tranché en remettant en question le choix du stockage géologique au profit de l’entreposage de longue durée. À ses yeux, il est désormais temps d’avancer : compte tenu des enjeux sociétaux et des événements récents, il estime qu’il vaut mieux faire confiance à la solution géologique plutôt que de miser sur des innovations scientifiques ou sur la seule action humaine.
Dominique Dolisy, de la CLI de Nogent/Seine, a salué les questionnements de G. Mercadal et de B. Laponche. Elle a également exprimé ses réserves quant au choix des deux sites distants pour le puits et la descenderie. Elle a interrogé la nécessité absolue de l’acquisition du bois Lejuc, devenu emblématique des préoccupations des opposants au projet et a cité une étude d’AgroParisTech-Museum proposant une alternative préservant le bois Lejuc [NDLR : Situé sur la commune de Mandres‑en‑Barrois, le bois Lejuc est une zone qui pourrait accueillir l’installation de surface « zone puits » ; il a été occupé par des opposants au projet pendant 18 mois].
Dominique Leglu, personnalité qualifiée désignée par l’OPECST, a posé la question du temps pour parvenir à réaliser la séparation-transmutation et des travaux sur lesquels le CEDA s’était basé. Pour Gilles Pijaudier-Cabot cela ne serait pas envisageable avant au moins une trentaine d’années, la R&D étant au stade amont et l’industrialisation du procédé restant à développer.
Jacky Bonnemains, de l’association Robin des Bois, a demandé ce que le CEDA entendait par « renaissance du forage profond » et a exprimé des réserves quant aux propositions d’entreposage en subsurface sur des sites d’INB existants, qu’il juge vulnérables face aux catastrophes climatiques et aux malveillances. Il a également souligné que la centralisation des déchets en un seul lieu comporte déjà des risques aujourd’hui puisque l’ensemble des déchets sont entreposés à La Hague, site vulnérable en cas d’accidents majeurs dans ses ateliers ou d’attaque militaire. Sur le forage profond, Gilles Pijaudier-Cabot a indiqué que, dans le cadre du programme européen sur les déchets radioactifs, il y a des travaux en cours avec un workpackage dédié au forage profond.
Pierre-Franck Chevet, personnalité qualifiée désignée par l’OPECST, a indiqué que l’entreposage de subsurface ne pouvait garantir la sécurité dans le contexte actuel et qu’il était nécessaire de trouver des solutions de long terme, tout en gardant une réversibilité pendant 100 à 200 ans.

4.3. Cigéo et la politique énergétique (Guillaume Bouyt, sous-directeur de l’industrie nucléaire, DGEC)

Les choix de politique énergétique peuvent avoir une incidence importante sur les déchets destinés à rejoindre Cigéo (scénarios incluant l’éventuel nouveau nucléaire (EPR2, SMR) et la poursuite de fonctionnement des réacteurs du parc actuel, requalification des matières en déchets…).
Dans cette séquence, la DGEC a d’abord rappelé le cadre réglementaire français sur la gestion des matières et déchets radioactifs, distinguant les substances pour lesquelles une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée et les déchets sans perspective d’usage. Elle a détaillé la procédure de qualification ou requalification des matières, qui tient compte d’objectifs techniques, économiques et environnementaux à long terme. La prise en compte des enjeux de politique énergétique, des risques géopolitiques, et des coûts associés, influe sur les décisions de gestion, conformément au Plan national de gestion (PNGMDR). Concernant Cigéo, l’installation permet de prendre en charge tous les déchets HA et MA-VL identifiés à date via son inventaire de référence et doit être adaptable à plusieurs scénarios incluant l’éventuel nouveau nucléaire (EPR2, SMR) et la poursuite de fonctionnement des réacteurs du parc actuel, via l’inventaire de réserve. Le retour ou l’exportation de déchets radioactifs étrangers (« swap ») suit des règles strictes et des équivalences en masse et radiotoxicité peuvent être appliquées.
La présentation de la DGEC est ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/4.3__dgec_politique_energetique.pdf

Réactions à propos des impacts des choix de politique énergétique sur Cigéo

Les représentants des responsables d’activités nucléaires ont exprimé leurs réactions à ce sujet. Cécile Laugier, pour EDF, a tout d’abord remercié la DGEC pour la clarté de sa présentation et le rappel des définitions réglementaires. Elle a précisé que, s’agissant des EPR2, les six réacteurs en projet seront intégrés à l’inventaire de réserve, tout comme la prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs existants à 60 ans. Christophe Kassiotis, représentant le CEA, a souligné le rôle du CEA en matière de défense nationale et de recherche nucléaire. Il a notamment évoqué les travaux de R&D sur le traitement des combustibles usés, le développement des réacteurs à neutrons rapides ainsi que les petits réacteurs modulaires (SMR) de 4e génération. Régis Vallée, pour Orano, a rappelé que, dans le cadre du PNGMDR actuel, les exploitants ont transmis des informations relatives à la valorisation des matières. Enfin, concernant la gestion des déchets issus du traitement de combustibles usés étrangers et les opérations de swap, Orano avait déjà réalisé une présentation spécifique lors de la plénière du HCTISN de mars 2025.

Questions et échanges

La présidente a rappelé que le décret de la PPE3 (programmation pluriannuelle de l’énergie pour la période 2025–2035), document central pour la politique énergétique, n’était toujours pas publié, créant des incertitudes pour l’ensemble des acteurs et leurs projets.
Plusieurs membres ont interrogé les volumes de déchets liés aux opérations de swap et leur impact sur le dimensionnement du projet Cigéo. La DGEC et l’ASNR ont rappelé que la loi prévoit que ces opérations ne doivent pas modifier les capacités d’entreposage et de stockage en France. L’avis de l’ASNR est requis pour chaque opération, avec deux points de vigilance : le respect des règles d’équivalence (masse et radiotoxicité) et l’absence d’impact sur les capacités de Cigéo. Par ailleurs, comme les déchets vitrifiés prennent plus de volume dans Cigéo en raison des contraintes thermiques, les écarts de volume et de coût entre colis HA et leurs équivalents MA-VL restent marginaux. L’Andra a précisé que les swaps représentent 5 700 colis CSD-C sur les 51 000 prévus dans l’inventaire de référence, ce qui reste compatible avec les marges existantes.
Plusieurs questions ont porté sur le statut de matières et de déchets. La DGEC a précisé que ce statut est évolutif, dépendant des perspectives de valorisation et de la situation des marchés, et comporte donc une dimension économique et stratégique. Des amendements visant à inscrire cette dimension stratégique dans la loi Grémillet avaient été déposés par le Gouvernement, mais n’ont pas été retenus à ce stade.

4.4. Chiffrage et coûts (Sébastien Farin (Andra) & Guillaume Bouyt (DGEC))

L’Andra a présenté sa mise à jour sur le chiffrage de Cigéo, qui est une obligation réglementaire. L’évaluation des coûts est basée sur des scénarios divers et répartis sur 150 ans, de 2016 à 2170. Le coût global estimé oscille entre 26 et 37,5 milliards d’€2012. Plusieurs facteurs, notamment des hypothèses de fiscalité et des configurations techniques optimisées, influencent cette estimation. La présentation de l’Andra est ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/4.4._andra_dossier_de_chiffrage.pdf

De son côté, la DGEC a expliqué que le coût de référence du projet Cigéo, fixé par arrêté et mis à jour régulièrement, sert de base pour que les producteurs de déchets radioactifs constituent les provisions nécessaires au financement à long terme du projet de stockage. Les producteurs restent responsables des déchets et doivent garantir leur gestion selon le principe du pollueur-payeur. L’État contrôle l’ensemble du dispositif financier, lequel comprend des fonds spécifiques pour la conception, la construction, l’exploitation et la recherche liées à Cigéo. La présentation de la DGEC est ici : http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/4.4__dgec_chiffrage_financement_provisions.pdf

Liens utiles :

  1. https://www.andra.fr/sites/default/files/2018-02/cout-cigeo-t1.pdf
  2. https://www.andra.fr/sites/default/files/2018-02/cout-cigeo-t2.pdf
  3. https://www.andra.fr/cigeo/les-documents-de-reference#section-15566

Questions et échanges à propos des coûts

Plusieurs membres ont soulevé la question de la garantie des fonds dédiés sur 150 ans, et des capacités financières nécessaires pour protéger les générations futures, évoquant le précédent MétalEurope où l’État a dû prendre en charge la dépollution après le départ de l’exploitant. L’ANCCLI a demandé une estimation du coût de la phase industrielle pilote (Phipil), tandis que d’autres ont interrogé l’impact d’un éventuel décalage du projet sur son coût final. Guillaume Blavette (FNE) a posé la question sur d’éventuelles évolutions des règles comptables relatives au calcul des provisions, suite au changement d’actionnariat d’EDF.
La DGEC a précisé que la sécurisation sur le long terme repose sur un devis fiable intégrant les risques, réévalué périodiquement, et un calcul des provisions conforme à des règles comptables précises, validées par les commissaires aux comptes, la DGEC et la DGTRESOR. Des discussions sont en cours à l’IASB concernant le taux d’actualisation ; ses recommandations pourraient ensuite devenir applicables au niveau européen. Les provisions doivent être couvertes par des actifs dédiés, assurant un rendement supérieur au taux d’actualisation. Michel Badré a souligné l’influence majeure du taux d’actualisation sur la prise en compte actuelle du coût des dépenses futures (le coût actualisé pouvant passer du simple au double selon le taux retenu) : un retard de projet tend ainsi paradoxalement à diminuer le coût actualisé. Cécile Laugier (EDF) a confirmé la stabilité des règles comptables malgré le changement d’actionnariat et a mis en avant la spécificité du dispositif français de sécurisation des financements nucléaires qui est unique avec ses trois niveaux (devis, provisions et fonds dédiés), différent de celui des ICPE.
Certains membres ont estimé qu’il est illusoire de calculer des coûts sur des horizons aussi longs et ont recommandé un contrôle par la Cour des comptes et la Commission des finances de l’Assemblée. L’Andra a indiqué que la Cour des comptes a publié en juin 2025 un rapport sur l’Andra, et que l’estimation des coûts a été transmise à l’Assemblée. Elle a précisé qu’une équivalence de l’estimation du coût en €2023 était disponible dans la pièce 21 de son dossier.

5. Conclusion et clôture

Christine Noiville a clôturé la séance en annonçant qu’un document de synthèse sera rédigé (il s’agit du présent document) et mis à disposition sur le site internet du HCTISN, accompagné des présentations de la journée, puis du verbatim qui sera publié ultérieurement. Elle a proposé que le HCTISN adresse un courrier à l’OPECST accompagné de cette synthèse, et a exprimé le souhait de créer un groupe de travail pérenne sur le dossier Cigéo. Ces propositions pourront être examinées lors du prochain bureau du HCTISN. À la suite de la plénière (hors réunion), Michel Badré, animateur du groupe de suivi des concertations sur le projet Cigéo, a en outre exprimé sa réaction personnelle (voir ci-après).

Réaction personnelle de Michel Badré, animateur du groupe de suivi des concertations sur Cigéo mis en place par le HCTISN, suite à la plénière (hors réunion)

L’examen des "alternatives" ou des "variantes" au projet Cigéo (les deux termes ont été utilisés en séance le 2 octobre) se fonde en général sur les connaissances scientifiques et techniques actuellement disponibles, et non sur les incertitudes qui ne manqueront pas d’affecter la vie d’un tel projet, sur une durée de l’ordre d’un siècle et demi. Ces incertitudes portent dès maintenant et pour la phase industrielle pilote sur les résultats d’études ou d’expérimentations à conduire pendant cette phase, dont c’est l’objet. Elles porteront aussi et au-delà sur les évolutions des contextes scientifique et technique, socio-économique, environnemental et géopolitique du projet pendant toute sa durée de mise au point et d’exploitation.
Pour s’adapter à une situation aussi inédite par sa longueur et ses enjeux, le processus de décision devrait rendre possibles à tous les jalons décisionnels, dès le stade actuel, les variantes permettant la meilleure adaptation possible à un avenir aussi incertain : c’est sans doute le moyen de limiter la probabilité de se trouver acculé un jour ou l’autre à des remises en cause beaucoup plus difficiles.
La présentation faite en séance par Georges Mercadal a montré qu’à ce jour, on pouvait envisager un processus ouvert à des variantes au projet tel qu’il est défini actuellement. Intégrant l’entreposage long qui est de toute façon déjà entamé depuis longtemps pour les déchets les plus radioactifs et se poursuivra pendant plusieurs décennies, elles apporteraient plus de garanties d’ouverture à l’incertitude. Faute de temps sans doute, cette proposition n’a pas été commentée en séance par d’autres participants. Et comme l’a indiqué lui-même son auteur, cette variante supposerait des études plus approfondies, dont le délai serait compatible avec celui de l’instruction DAC et de la phase industrielle pilote.
La concertation avec le public, aux niveaux local et national, pourrait retrouver avec un tel schéma décisionnel plus ouvert une valeur dont il est actuellement largement privé par l’unicité des solutions proposées. Un projet d’une telle ampleur, avec de tels enjeux nationaux et locaux, ne peut en effet s’accommoder d’un processus de décision qui ne laisse pas une place plus importante à la participation du public à l’élaboration des décisions, dans tous ses jalons successifs. Les difficultés rencontrées par d’autres projets d’enjeu bien moindre mais présentés pendant des années (à tort ou à raison) comme sans aucune alternative possible montrent la nécessité démocratique d’une concertation réelle sur les enjeux les plus sensibles et les options disponibles pour y faire face.
La fin de l’instruction du dossier de DAC, avant la signature du décret correspondant, pourrait être l’occasion d’ouvrir le cadre d’un tel processus de décision plus ouvert, au long cours.