Cigéo : le projet français de centre de stockage profond de déchets radioactifs

Cigéo (acronyme de centre industriel de stockage géologique) est le projet français de centre de stockage profond de déchets radioactifs de moyenne activité à vie longue et de haute activité. Il est conçu pour stocker les déchets produits 1. par l’ensemble des installations nucléaires existantes ou autorisées à fin 2016, jusqu’à leur démantèlement, et 2. par le traitement des combustibles usés utilisés dans les centrales nucléaires. Le dossier de demande d’autorisation de création (DAC) de Cigéo, déposé en janvier 2023 par l’Andra, est en cours d’instruction.

Sites

https://www.cigeo.gouv.fr

Sites

https://www.andra.fr/cigeo

Un groupe de suivi des concertations sur le projet Cigéo a été institué au sein du HCTISN, retrouvez ses travaux : http://www.hctisn.fr/groupe-de-suiv…

1 - Protéger l’homme et l’environnement des déchets radioactifs les plus dangereux

La production d’électricité d’origine nucléaire génère des déchets radioactifs. Les plus dangereux d’entre eux, les déchets dits de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL) ne peuvent pas être stockés en surface ou à faible profondeur en raison de leur niveau de radioactivité élevé et de leur durée de vie longue. L’objectif du projet de centre de stockage géologique profond Cigéo, acté par la loi du 28 juin 2006 (qui retient la solution du stockage géologique profond comme solution de référence pour la gestion des déchets de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL)) et développé par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) est de protéger l’homme et l’environnement du danger de ces déchets sur le très long terme.
Cigéo est prévu pour stocker les déchets HA et MA-VL français déjà produits (environ la moitié) et ceux qui seront produits par les installations nucléaires existantes ou autorisées (EPR de Flamanville, réacteur Jules Horowitz et Iter).
L’Andra doit également démontrer que Cigéo pourra s’adapter aux différents scenarios de politique énergétique (arrêt du nucléaire, prolongation de la durée de vie des centrales…).

1-1 Des déchets français provenant principalement de l’industrie électronucléaire

Les déchets dits de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL) se caractérisent par leur durée de vie longue (plusieurs centaines de milliers d’années) et leur activité élevée. Ils proviennent principalement du secteur de l’industrie électronucléaire et des activités de recherche associées, ainsi que, dans une moindre part, des activités liées à la force de dissuasion et à la propulsion navale nucléaire menées par le CEA. Il s’agit de déchets français, la loi française interdisant le stockage en France de déchets radioactifs étrangers.
Les déchets de haute activité (HA) sont principalement issus du traitement des combustibles usés des centrales nucléaires. Ils sont incorporés à une pâte de verre en fusion puis coulés dans un « colis » en inox. Les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) sont plus variés. Ils correspondent aux structures métalliques qui entourent le combustible ou aux résidus liés au fonctionnement des installations nucléaires. Ils sont conditionnés dans des colis métalliques ou en béton.
Rapportés à l’ensemble des déchets radioactifs, les déchets HA et MA-VL représentent un volume limité (de l’ordre de 3 % du volume des déchets radioactifs existants) et concentrent la quasi-totalité de la radioactivité (plus de 99 %).

1-2 Des déchets déjà produits et qui seront produits par le parc nucléaire actuel

Le projet Cigéo est prévu pour accueillir l’ensemble des déchets de haute et moyenne activité à vie longue (HA et MA-VL) déjà produits et qui seront produits par les installations nucléaires existantes (centrales nucléaires, centres de recherche…), ainsi que ceux qui seront produits par les installations nucléaires autorisés (EPR de Flamanville, ITER, réacteur expérimental Jules Horowitz), avec l’hypothèse d’une durée de fonctionnement des réacteurs de 50 ans en moyenne.
Cet « inventaire de référence » représente de l’ordre de 10 000 m³ de déchets HA et 73 000 m³ de déchets MA-VL, soit environ 83 000 m³ de déchets radioactifs au total.
Dans l’attente de la mise en service de Cigéo, les colis de déchets HA et MA-VL déjà produits sont provisoirement entreposés dans des bâtiments sur leur site de production, principalement à La Hague (Manche), Marcoule (Gard), Cadarache (Bouches-du-Rhône) et, pour un volume limité, à Valduc (Côte-d’Or). Si Cigéo est autorisé, les colis de déchets seront transférés vers le centre de stockage au fur et à mesure de son exploitation. Certains déchets, notamment les déchets HA qui dégagent de la chaleur, devront tout de même rester entreposés plusieurs dizaines d’années dans ces entrepôts pour permettre leur refroidissement avant leur stockage définitif à Cigéo.

1-3 L’adaptabilité de Cigéo à différents scénarios de politique énergétique

L’Andra doit également démontrer que Cigéo pourra s’adapter à différents scenarios de politique énergétique. Cela est notamment rendu possible par le fait que Cigéo se développera progressivement, ce qui permet de ne pas tout verrouiller tout dès le départ :

  • Si la France fait le choix d’arrêter de retraiter le combustible usé ou d’arrêter le nucléaire après 50 ans de fonctionnement des réacteurs (ce qui implique également d’arrêter de retraiter les combustibles usés), Cigéo devra pouvoir stocker les combustibles usés (qui sont aujourd’hui considérés comme des matières valorisables et qui seraient alors considérés comme des déchets).
  • Si le choix est fait de prolonger la durée de fonctionnement des réacteurs actuels, cela produira davantage de déchets HA et MA-VL qui devront pouvoir être stockés dans Cigéo.
    Sont également considérées des incertitudes liées au développement d’une filière de stockage pour les déchets de faible activité à vie longue, au retraitement des combustibles usés expérimentaux et de la propulsion navale.
    Ces déchets sont compris dans « l’inventaire de réserve » de Cigéo. Pour cela, l’Andra mène des études dites d’adaptabilité qui permettent de s’assurer qu’il serait techniquement possible de les stocker selon les mêmes exigences de sûreté que pour les déchets de l’inventaire de référence.

1-4 Une solution pour isoler les déchets radioactifs tant qu’ils sont dangereux

Le projet Cigéo de stockage géologique profond permet de protéger l’homme et l’environnement du danger des déchets radioactifs, tout le temps qu’ils restent dangereux, en les stockant dans des galeries construites au sein d’une couche d’argile quasi-imperméable et stable depuis 160 millions d’années. Réponse à un impératif éthique, celui de ne pas reporter la charge de leur gestion sur les générations futures, le stockage géologique est le fruit de près de 30 ans de recherches, d’un long processus démocratique et c’est la solution qui fait consensus à l’international.

La grande dangerosité des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA et MA VL) ainsi que leur durée de vie – jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années – imposent d’en protéger l’homme et l’environnement de manière pérenne sans nécessiter d’action et de contrôle de la société, qui ne saurait être garantis sur de telles échelles de temps.

Le stockage en couche géologique profonde, de par sa profondeur, sa conception et son implantation dans une roche argileuse quasi-imperméable et dans un environnement géologique stable permet de mettre les déchets à l’abri des activités humaines et des événements naturels de surface (comme l’érosion) et d’isoler les déchets HA et MA-VL de l’homme sur ces très longues échelles de temps.

Le concept de Cigéo est de stocker ces déchets dans des galeries (appelés alvéoles de stockage) à 500 mètres sous terre, au sein d’une roche sélectionnée pour ses propriétés de confinement, puis de refermer le stockage une fois l’ensemble des déchets stockés. Avec le temps, les colis de déchets et les matériaux utilisés pour le stockage se dégraderont progressivement et relâcheront des éléments radioactifs. C’est alors la couche géologique qui prendra le relais en piégeant la plupart de ces éléments dans la roche et en ralentissant le déplacement des éléments les plus mobiles. En parallèle la dangerosité des déchets radioactifs diminuera au fil du temps du fait de la décroissance naturelle de la radioactivité. Ainsi la plupart des éléments radioactifs n’atteindront jamais la surface ou l’atteindront au bout de milliers d’années et en très petites quantités, telle sorte que cela ne présente pas de danger pour l’homme et l’environnement.

1-5 Cigéo et démocratie

Le projet Cigéo est le fruit d’un long processus démocratique avec le vote de trois lois (en 1991, 2006 et 2016) et trois débats publics nationaux qui ont contribué à trouver collectivement des solutions de gestion pour les déchets radioactifs les plus dangereux.

  • En 2005, après quinze années de recherches, un premier débat public national s’est tenu. En 2006, sur la base de ce débat et des évaluations des recherches sur les alternatives possibles (entreposage de longue durée et séparation / transmutation), les parlementaires ont fait le choix du stockage géologique profond et ont posé une exigence de réversibilité d’au moins 100 ans.
  • En 2013, un deuxième débat public national a été organisé sur le projet Cigéo. Parmi les suites données au débat public, en réponse aux avis et aux attentes exprimées, l’Agence a décidé d’apporter des évolutions au projet Cigéo, en particulier l’intégration d’une phase industrielle pilote au démarrage de l’installation, et de s’engager dans une démarche d’implication plus forte de la société.
  • En 2016, le parlement a voté une troisième loi (loi du 25 juillet 2016) sur les modalités de création de Cigéo et sur sa réversibilité.
  • En 2019, le débat public sur la 5e édition du PNGMDR (plan national de gestion des matières et déchets radioactifs) a notamment été l’occasion de revisiter les arguments ayant conduit au choix du stockage géologique profond.
  • En 2021 et 2022, des concertations ont été organisées sur la phase industrielle pilote (cf. infra) et sur la gouvernance de Cigéo. Une nouvelle phase de concertation portant sur la phase industrielle pilote est menée par l’Andra en 2024. Depuis 2023, l’Andra a ouvert un nouveau cycle de concertation auprès des acteurs du territoire et des riverains du centre de Meuse/Haute Marne sur le thème des « chantiers », afin notamment d’intégrer leurs recommandations dans les futurs cahiers des charges des entreprises qui réaliseront ces travaux.

1-6 Cigéo et situation internationale

Les pays utilisant l’énergie électronucléaire retiennent le stockage profond pour une gestion définitive et sûre à très long terme de leurs déchets les plus radioactifs.
Avec la France, la Finlande et la Suède sont les pays les plus avancés. Le démarrage du stockage géologique est prévu pour la prochaine décennie :

  • La Finlande : avec un parc électronucléaire de taille modeste (3 réacteurs, bientôt 4), la Finlande a engagé son projet de stockage en creusant directement les installations dans une roche dure, cristalline, sous le site d’Olkiluoto. Elle a obtenu les premières autorisations d’y construire les ouvrages destinés au stockage à l’issue d’une phase d’essais en souterrain et d’une instruction du dossier de sûreté par les autorités compétentes.
  • La Suède : le processus d’autorisation est engagé et la mise en service du stockage est envisagée durant la seconde partie de la prochaine décennie. La Suède prévoit un stockage des combustibles usés en milieu granitique.
  • D’autres pays (Canada, Suisse, Royaume-Uni, Allemagne) ont engagé un processus de recherche de site en vue du stockage, avec des perspectives de stockage au-delà de 2040.

2 – Les installations et le fonctionnement du centre

Cigéo sera implanté en Meuse (55) / Haute-Marne (52) et sera composé d’une zone souterraine (où seront stockés les déchets) et d’installations de surface réparties sur deux zones, ainsi que de liaisons entre la surface et le souterrain. Les déchets y seront stockés pendant plus de 100 ans et le stockage sera construit de manière progressive au fur et à mesure des besoins puis refermé pour assurer le confinement des déchets sur de très longues périodes de temps sans nécessiter d’actions humaines.

2-1 Les installations et leur localisation

La localisation des installations de Cigéo

S’il est autorisé, Cigéo sera implanté dans l’Est de la France, à la limite des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, où les recherches menées depuis les années 1990 ont permis d’identifier un site dont la géologie est favorable à l’implantation d’un stockage profond de déchets radioactifs. Pendant plusieurs années, un travail a été effectué, en collaboration avec les acteurs locaux, pour identifier les zones où seraient localisées les installations souterraines et les installations de surface du Centre.

L’installation souterraine

Située à environ 500 mètres de profondeur, l’installation souterraine de Cigéo se développera au fur et à mesure de son exploitation (les colis de déchets arriveront progressivement). Elle se composera de zones de stockage pour les déchets de haute activité et de zones de stockage pour les déchets de moyenne activité à vie longue, de galeries de liaison et d’installations techniques. Au terme d’une centaine d’années d’exploitation, la zone de stockage s’étendra sur une surface d’environ 15 km².
Les déchets seront stockés, au moyen de dispositifs robotisés, dans des tunnels horizontaux appelés alvéoles, creusées au cœur de la couche d’argile.

2-2 Les différentes phases du projet

Les opérations sur le terrain avant la construction du centre

Avant le commencement des travaux de construction de Cigéo (s’il est autorisé), l’Andra a engagé des études d’acquisition de données (archéologie préventive et forages géotechniques). Des travaux d’aménagements préalables (raccordements, travaux préparatoires…) seront également engagés par l’Andra, ainsi que par les acteurs locaux dans le cadre du projet de développement de territoire.
La construction initiale
La construction initiale de Cigéo démarrera à l’obtention du décret d’autorisation de création et comprendra :

  • la construction des ouvrages permettant la mise en service du centre de stockage, notamment le bâtiment nucléaire où seront réceptionnés, contrôlés, préparés et à partir duquel seront descendus les colis de déchets ;
  • le creusement et la construction de la descenderie (tunnel incliné permettant d’acheminer les colis de déchets vers l’installation souterraine) ;
  • le creusement et la construction des puits (puits verticaux reliant l’installation souterraine à la surface et utilisés pour le transfert des personnes et des matériaux et pour la ventilation).
  • le creusement et la construction des premiers ouvrages souterrains.

La phase industrielle pilote

La phase industrielle pilote répond à une demande exprimée à l’occasion du débat public de 2013. L’Andra a proposé que cette phase démarre dès l’obtention du décret de demande d’autorisation, pour une période de 15 à 25 ans, jusqu’aux premières années d’exploitation du centre.
L’Andra a déjà identifié de grands objectifs qu’elle pourrait remplir :

  • permettre la bonne prise en main de Cigéo et vérifier son bon fonctionnement,
  • tester en grandeur réelle des résultats et concepts issus des travaux de R&D, des expérimentations menées en surface et au Laboratoire souterrain et des essais technologiques,
  • acquérir, à l’échelle 1, en situation opérationnelle, tout le retour d’expérience nécessaire qui permettra de caler la suite de la construction, ainsi que par des essais de stockage avec des colis de déchets non radioactifs, puis si l’Andra y est autorisée, avec des colis de déchets radioactifs,
  • identifier les compléments nécessaires, les travaux restant à mener et alimenter ainsi les décisions ultérieures.

L’objectif de la phase industrielle pilote n’est pas de couvrir l’ensemble des sujets jusqu’à la fin du projet, elle permet de nourrir les décisions ultérieures de déploiement de Cigéo.

Le fonctionnement et la construction progressive

Le stockage fonctionnera pendant plus de 100 ans et sera construit de manière progressive au fur et à mesure de l’arrivée des colis de déchets radioactifs.
Les premiers ouvrages à réaliser seront les installations nécessaires aux travaux souterrains et au démarrage de l’exploitation. Après la mise en service du stockage, la construction de l’installation souterraine se fera progressivement, par tranches successives. Les zones en construction seront physiquement séparées des zones en exploitation.

La fermeture du centre

Pour garantir le confinement des déchets sur de très longues périodes de temps sans nécessiter d’actions humaines, les ouvrages souterrains de Cigéo devront être refermés une fois l’ensemble des colis stockés.
La fermeture du stockage se ferait de manière progressive, selon un processus décisionnel à définir.
En parallèle de la fermeture de l’installation souterraine, les installations de surface seront démantelées.